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Le Raduno Postuese Le 44 ème Raduno à TREBEURDEN, 27 & 28 avril 2002
Le TREGOR, l'hebdo du pays de Lannion, n° 956. L'immigration italienne a laissé de nombreuses traces dans le paysage français et trégorrois. Plus rarement, des liens ont perduré à travers les générations. Ce week-end, un rendez- vous familial réunira entre Trébeurden et Pleumeur-Bodou 170 Français et Italiens, tous originaires du même petit village piémontais, Postua. Une belle histoire d'amour, commencée au XIXe siècle dans des Alpes, sans jamais se démentir. Au pied des Alpes, à quelques encablures de la Suisse, Postua (590 âmes) ne semble pas se distinguer des autres petits villages de cette belle région du Piémont. Postua est un lieu très ancien. Sa chapelle San Sebastiano, qui date de l'an Mil, renferme des traces de présence druidique. Les Celtes sont passés par là, ce qui explique peut-être la suite de notre histoire... Mais Postua cultive aussi une particularité historique, au point de susciter des études universitaires et maintes publications. Depuis plus d'un siècle, un fil est en effet tendu par dessus les Alpes reliant Postua à la France, à la Bretagne, au Trégor. Un fil fait d'amour, d'amitié, d'attachement, témoin d'un étonnant phénomène d'émigration. Qui est célébré chaque année en France par le «Raduno Postuese» (rassemblement postuais) où les descendants des émigrés italiens retrouvent leurs cousins transalpins. Les premiers nœuds se sont noués au XIXe siècle. Il s'agit alors d'une émigration-saisonnière. Par nécessité économique, les pasteurs postuais quittent leurs troupeaux pour venir travailler comme maçons à Grenoble ou Saint-Etienne. L'argent rapporté est indispensable dans la rude vie des familles piémontaises. Puis le mouvement migratoire prend la direction du Grand Ouest. Le pionnier est Joachim Novello. Il s'implante à Tours en 1872, y fonde une entreprise de «Béton armé. Maçonnerie, Ciments» après avoir appris le métier à Grenoble. «L'entreprise tourangelle devient vite prospère, elle va constituer le lieu de passage et d'apprentissage des cousins, neveux, parents venus de Postua. Ceux-ci vont bientôt essaimer dans tout l'Ouest, à la tête de succursales de la maison-mère ou d'entreprises qu'ils créent à leur tour. En 1980, on en recense encore près de 300 dans une douzaine de départements entre Bretagne et Normandie,» raconte Martine Debaussart, organisatrice du 44e Raduno Postuese qui se tient cette année entre Trébeurden et Pleumeur-Bodou. Constructeurs à Guingamp Martine Debaussart est en effet une des descendantes de la branche trégorroise des Novello. Plus précisément la petite-fille d'Ernest Novello, venu s'installer à Guingamp en 1904, comme entrepreneur du bâtiment puis fabricant de produits en béton armé. Après un passage chez son frère à Brest où, comme à Nantes, les Novello ont laissé pas mal de châteaux d’eau dans le paysage. Si Joachim Novello était revenu mourir au pays, les autres Postuais restent en France. «Leur intégration a été très rapide, sans doute en raison du savoir- faire qu’ils apportaient dans le domaine de la construction,» explique Martine Debaussart. Les enfants d’Ernest et Caroline Novello épousent des gens du pays et s’installent définitivement en Bretagne. L'aîné Abel (1906-1966) poursuit le développement de l'entreprise paternelle. Ses enfants, Claude et Marie-Noëlle, habitent toujours Guingamp et ont une maison à Trégastel. Les deux autres frères Novello, Ernest (né en 1909) et André (né en 1911) marquent eux aussi le paysage architectural guingampais. Leur diplôme d'architecte-ingénieur des travaux publics en poche, ils s'attachent à explorer des voies nouvelles en matière de construction d'habitat. En 1933, ils sont lauréats du premier concours de la maison individuelle organisé par L'Architecture aujourd'hui. Leur projet est présenté en grandeur nature au Grand Palais à Paris lors de l'Exposition de l'habitation en février 1934. Un jury de professionnels les distingue à l'unanimité pour l'originalité et la qualité des «méthodes constructives» qui caractérisent leur projet, fondé sur un procédé de préfabrication industrielle de panneaux juxtaposables. Ils reçoivent même les félicitations du président de la République de l'époque, Albert Lebrun. «Ernest vit toujours, il a 92 ans, c'est un grand rêveur. André est mort en 1944 pendant la Guerre. Il était admiré de tous,» ajoute Martine Debaussart. En 1937, les frères Novello réalisent à Guingamp le premier immeuble préfabriqué, de conception tout à fait novatrice, rue Saint-Nicolas. Cette immeuble abrite toujours les locaux de l'imprimerie Anger et de l'hebdomadaire L'Écho de l'Armor et de l'Argoat. La fille d'Ernest et Caroline Novello, Hélène, née en 1907 à Guingamp, a en effet épousé le fils d'une grande famille lannionnaise, Léon Anger. Il est le frère aîné de Christian Anger, patron de plusieurs journaux, dont L'écho de Lannion, ancêtre du Trégor. Hélène et Léon Anger auront cinq enfants : André (directeur actuel de l'Echo); Michel, Marie-Hélène, Danielle et Martine. Tous ces descendants de la famille Anger-Novello ont aujourd'hui un pied à terre à Trébeurden... et la maison familiale à Postua. Depuis toujours, «le cœur est des deux côtés». Martine Debaussart se rappelle des visites régulières dans le Piémont pendant sa jeunesse. «Je suis allée en Italie pour la première fois en 1953. La région m'a fait un effet de pays quasiment en ruine, avec ces maisons pas terminées. Mais immédiatement, il y a eu l'enthousiasme d'être accueillis avec une générosité fantastique.» La petite fille a appris quelques mots du dialecte local avec sa mère. «Quand je les disais, cela faisait rire les gens là-bas, parce que pour eux c 'était du dialecte très ancien... Les Postuais ont conservé le goût de la fête, des réunions. Il y a des fêtes tout l'été. Je me souviens le temps où on allait danser tous les soirs. Pour eux, on représentait l'exotisme, alors on ne faisait pas tapisserie... » Les liens entre la communauté italienne et ses descendants ont perduré. «C'est ce qui me touche le plus, c 'est que cela se perpétue. Les familles se sont ramifiées, les Postuais ne sont plus que nos cousins éloignés mais on se retrouve quand mê me. Quelle chance de ne pas avoir perdu ces racines-là ! C'est quelque chose qui me semble presque unique. J'ai rencontré d'autres personnes originaires d'Italie, elles n 'ont pas gardé ces liens. Je crois que c'est dû au fait que nous avons gardé la maison familiale là-bas. » Pour les vacances, tous les petits-enfants d'Ernest Novello traversent les Alpes. La grande maison est soigneusement entretenue par les villageois. A l'annonce d'une arrivée des «Francese», elle est abondamment fleurie. Pendant tout le séjour, les invitations pleuvent. «Les gens sont d'une gentillesse inouïe. Il y aurait pu y avoir de la jalousie, mais non. Ils sont très fiers aussi de tout cela. Il existe là-bas un vrai sens de la solidarité, vis-à-vis des personnes âgées, de s malades. » Chaque année depuis 1959, le point d'orgue de ses retrouvailles est le Raduno Postuese. Après Bordeaux en 2001, il aura donc lieu cette année à Trébeurden, organisé par les descendants des Novello... et leurs conjoints. «Le plus curieux est que les conjoints sont parfois plus attachés, alors qu'ils ne sont liés que par accident. Ils ont un coup de cœur pour Postua.» Benvenuti a Trébeurden ! 310 invitations ont été lancées pour le Raduno, 65 se sont excusées, 108 personnes seront présentes les deux jours, 132 le seul dimanche. Parmi eux, le professeur Claudio Martignon, ancien maire de Postua, qui «joue un rôle déterminant dans ces rencontres de la grande famille italo-française». Face à la plage de Tresmeur, devant la minuscule maison de vacances des enfants Anger, construite selon la méthode Novello, Martine Debaussart n'en finit pas de sourire. «Je suis tellement contente d'être Bretonne et si heureuse d'avoir mes racines là-bas...» Philippe Gestin
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