Cahier
de doléances
Sains
Cahier des remontrances, plaintes et doléances que fait
le général de la paroisse de Saints. Évêché de Dol, assemblé en la sacristie
de l’église de la dite paroisse en vertu de l’ordonnance de Monsieur le
Sénéchal de Rennes, du mars dernier.
[manuscrit original,
version pdf]
Le Roy voulant par des vues bienfaisantes reformer les
abus qui se sont multipliés dans son royaume, a permis à ses sujets de lui
en mettre le tableau sous ses ieux. Il les invite lui-même, et il leur
ordonne de s’assembler auprès de lui par des députés librement nommés plein
de confiance dans sa bonté paternelle pour se conformer à sa volonté et
couvrir à l’exécution de ses intentions tant pour l’assemblée des états
généraux, qu’il a convoqué que pour le redressement des griefs se plaindre
particulièrement le dit général supplie sa majesté et les états généraux
d’ordonner et arrêter irrévocablement.
Premièrement. Que tous les impôts réels et personnels qui seront levés
au profit du roy seront répartis également sur tous les ordres de l’état,
sans distinction ni exception et qu’il ne sera formé qu’un rolle dans chaque
paroisse.
2nt. Qu’il n’y ait plus d’enrôlement de force.
3nt
.
Que les corvées en nature soient supprimées.
4nt. Que la chasse soit défendue ainsi que le port des armes.
5nt. Que les fuies et colombiers soient détruits.
6nt. Qu’il soit permis de franchir toutes rentes
seigneuriales, censives et foncières.
7nt. Que l’administration soit conservée aux états de la
province ainsi que la répartition des impôts.
Fait et arrêté en la sacristie de la dite paroisse ce
premier avril 1798.
On trouve ensuite un court texte rédigé par le recteur de
la paroisse :
" La paroisse de Saints est une terre peu fertile et dont
les habitants sont tous pauvres si l’on excepte deux maisons dont l’une ne
fait aucun bien et l’autre, chargé d’enfants ne fait pas tout le bien qu’il
désirait et n’est dédommagé ni pour le casuel ni pour l’obiterie, et les
décimateurs qui ne donnent rien pour les pauvres de sorte que nous avons le
chagrin de voir les malades couchés sur un peu de paille n’aient qu’un
morceau de galette sans pouvoir les secourir. Je certifie le présent
véritable en foi de quoi je signe le cinq avril mille sept cents
quatre-vingt-neuf ".
Daron recteur de Sains .
Ces cahiers seront rédigés par Sasquien 
Suivent quinze signatures.
Parmi ces notables
Toussaint Chambron et Jean Vigour
seront les deux députés de la paroisse aux États Généraux. Le cahier de
Sains ne fait que deux pages, mais il exprime bien les revendications du
tiers état.

L’article premier indique que le clergé et la noblesse ne paient pas ou très
peu d’impôts, et l’article deux parle des milices ou des levées d’hommes
pour les guerres.
L’article trois exprime l’opposition à effectuer des travaux d’entretien des
routes et des digues. Ce sont les corvées royales. Il existe aussi les
corvées seigneuriales : fauchage de ses prés, vendange de ses vignes. Elles
ne sont pas payées, mais leur rachat (exemption) est possible.
Les articles quatre et cinq dénoncent les privilèges des nobles : Droit de
chasse exclusif sur toutes leurs terres et droit de posséder des colombiers.
Une fuie est une sorte de petit colombier dressé sur des piliers. Les
pigeons causaient des ravages sur les champs au moment des semailles.
L’article six traduit encore le mécontentement envers les impôts. Les rentes
sont des redevances annuelles pour le seigneur ou le clergé (rente décimale
ou dîme) et qui sont héréditaires.
Le dernier article rappelle les avantages dont jouissait la Bretagne, comme
les réductions impôts.
Enfin le texte du recteur est très évocateur de la césure entre le bas et le
haut clergé. Ce dernier reçoit les revenus de la dîme, c’est le décimateur.
Dans le texte le recteur réclame un retour plus important des revenus de la
paroisse, car le décimateur ne restitue que la portion congrue.
En principe le casuel devait revenir directement au curé. Il s’agit des
offrandes versées aux prêtres ou aux fabriques à l’occasion des cérémonies
religieuses. En réalité il s’agit "d’honoraires" imposés par les évêques.
Ce texte montre aussi la misère du peuple à cette époque et le peu de
secours qu’il pouvait espérer.
Le recteur ne précise pas quelles sont les deux familles "aisées" mais il
est très probable que celle "qui ne fait aucun bien" soit la famille de
Montaigu. Elle n’avait pas de bonnes relations avec le chapitre de Dol qui
était l’administrateur de cette paroisse.
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