Les batailles de Dol, novembre
1793.
DOL-EN-BRETAGNE
NOVEMBRE 1793
Il n'y a pas une « histoire locale » et «
une histoire de France ». Il y a «l'histoire de notre pays» dans laquelle
l'une et l'autre se trouvent intimement mêlées.
Lorsqu'on veut se pencher sur l'une, il
faut demander l'appui de l'autre au risque de ne rien comprendre à ce
patrimoine ancestral que l'on évoque. Alors, solidairement, avec les
directives plus ou moins explicites qui en ont régi la constitution,
l'accroissement, la maintenance au long des siècles, il apparaît dans toute
sa complexité et sa richesse.
C'est la continuité, la tradition où
s'enregistre et se lit la courbe historique d'un destin.
L'histoire de Dol au mois de Novembre 1793
est inséparable de l'histoire des guerres de Vendée et de la Chouannerie
comme celles-ci sont inséparables de l'histoire de la Monarchie et de la
Révolution.
1793 : Année fertile en événements.
Le 21 Janvier, la tête du Roi Louis XVI
tombe sur l'échafaud.
Depuis un an la guerre est aux frontières
et la France doit faire face à l'Europe coalisée.
A Paris les émeutes populaires se
multiplient tandis que dans soixante départements se développe, à partir de
Juin, un large mouvement hostile à la Convention : Le Fédéralisme.
En place du Gouvernement un comité de «
Salut Public » est créé, qui inaugure le « régime de la Terreur ».
Dans l'Ouest, et spécialement en Vendée, le
mécontentement gronde, causé depuis deux ans par l'application, chez un
peuple profondément catholique, de la Constitution Civile du Clergé.
Au mois de Mars, à l'occasion de la levée
sur le pays de 300.000 hommes, décrétée par la Convention, l'insurrection
éclate.
D'abord à caractère purement religieux et
populaire, elle prend bientôt la forme d'un mouvement monarchique.
Forte de 80.000 hommes, l'armée Catholique
et Royale de Vendée est née.
Bientôt elle franchit la Loire, et espérant
un secours que laissent entrevoir les Anglais, par Château-Gontier, Laval,
Mayenne, Ernée, Fougères, marche sur la Manche.
DOL-EN-BRETAGNE
NOVEMBRE 1793
ÉTUDE CHRONOLOGIQUE
Le LUNDI 4 NOVEMBRE
A 1 heure du matin - l'Assemblée
Municipale de Dol siège dans l'angoisse. Les esprits sont surexcités. Des
rumeurs inquiétantes circulent sur l'avance de l'Armée Catholique et Royale
de Vendée, en direction des côtes.
Le Conseiller municipal Salmon, maître de
poste, chargé de tenir l'Assemblée au courant du mouvement des troupes part
immédiatement à cheval sur la route de Fougères.
Vers 11 heures - Voici enfin des nouvelles
: Hamon, curé assermenté de Saint-Broladre, administrateur au district de
Dol, venant d'Antrain, arrive au Directoire :
«Les brigands sont entrés hier soir, à 5 heures,
à Fougères, annonce t'il, les débris de notre armée se sont repliés sur
Antrain, partie se dirige sur Dol, partie sur Rennes».
A cette nouvelle on fait battre la
générale, tous les hommes valides capables de porter les armes sont
convoqués ; personne ne se présente. Hamon repart donc sur Rennes, chargé de
ramener des secours. Après son départ le doute s'insinue dans l'esprit des
Administrateurs.
Hélas! à 5 heures du soir, la version de
Hamon est confirmée par les courriers. En hâte on empile sur les charrettes,
archives et papiers, qui prennent la route de Saint-Malo. Les armes et les
munitions, désormais inutiles, sont dirigées sur le fort de Châteauneuf.
Bientôt les Administrateurs républicains,
eux-mêmes quittent la ville, tandis que, déjà, on ouvre les prisons et que,
dans les rues, des habitants de Carfantin, Baguer-Morvan et Épiniac se
répandent aux cris de «Vive le Roi».
Le SAMEDI 9 NOVEMBRE
L'armée Vendéenne fait son entrée à Dol.
Vers 2 heures de l'après-midi, nous
apprend une lettre de six Conseillers municipaux restés à Dol, adressée à
Jullien, Commissaire du Comité de Salut Public, à Saint-Malo. « Vingt
hommes à cheval pénètrent dans la ville, jettent à bas les deux arbres de la
liberté, volent les portefeuilles de plusieurs personnes, et mettent à sac
la maison du sieur Roquet, administrateur national.
Vers 4 heures - Le gros de l'Armée arrive
et défile continuellement sans ordre, mais très serré, jusqu'à 10 heures
du soir.
A l'hôtel de l'Image de Notre-Dame,
actuellement rue des Ponts, La Rochejaquelein et les chefs Vendéens ont pris
logement. Il se réunit en Conseil. Sur l'initiative de Donnissan, on
décide de s'adresser au Roi d'Angleterre pour le presser d'envoyer des
secours. La lettre, écrite par Desessarts, est signée des chefs Vendéens. Le
Conseil se prolongeant sans doute à la nuit, quelques lignes sont ajoutées
le lendemain.
Le DIMANCHE 10 NOVEMBRE
...car le Conseil s'est prolongé au-delà
de minuit, on introduit deux nobles déguisés en paysans et porteurs, dans
des bâtons creux, de dépêches anglaises. Donnissan s'en empare, les
dépouille chez lui en "petit comité".
Délire dans le parti anglais de l'armée ! C'est
une lettre du Roi Georges, contresignée des Ministres Pitt et Dundas
promettant des secours immédiats si l'on s'empare d'un port.
Saint-Malo étant trop défendu, deux
s'offrent alors à l'armée Vendéenne : Granville et Cherbourg.
Un officier du génie républicain, d'Obenheim,
fait prisonnier à Fougères, mais qui, depuis, siège au Conseil propose la
marche sur Granville, qu'il dit mal défendu. L'ex-procureur Syndic du
Calvados, Bougon de Longrais, fédéraliste, conseille plutôt Cherbourg ainsi
que Stofflet. On décide cependant de marcher sur Granville.
Dans la Matinée, on célèbre des messes
solennelles dans les églises de Dol et des environs.
Le LUNDI 11 NOVEMBRE
L'armée Vendéenne évacue Dol, poursuivie
par un parti de hussards de Saint-Malo.
Le vendéen de Beauvais, qui était allé aux
Ormes chercher une voiture, dut prendre des chemins de traverse pour
rejoindre Pontorson, et essuya plusieurs coups de feu.
Durant le premier séjour des Vendéens à
Dol, on déplore quelques actes de pillage et d'assassinat, sévèrement
sanctionnés d'ailleurs quand ils sont connus : Au Vieux Bourg, l'aubergiste
Corbinais est tué pour avoir refusé de crier «Vive le Roi». Le clergé
vendéen met la main sur les vases sacrés et les ornements d'églises de Dol
et les fait verser au trésor de guerre. Deux déserteurs du Régiment
d'Orléans, qui servaient avec les Vendéens, sont passés par les armes à Dol
pour vol et assassinat. On les fait déposer, dans la caisse de l'armée,
15.000 frs dérobés à un prêtre qu'ils avaient tué. C'est à Dol aussi que
l'imposture de Guillot de Folleville qui se disait évêque d'Agra est
dévoilée à une partie des troupes.
Le VENDREDI 15 NOVEMBRE
Tandis que les Vendéens étaient à
Avranches et investissaient Granville, les Administrateurs du District de
Dol rentrent dans la ville. On y replante l'arbre de la liberté. L'armée
Républicaine du général Tribout, venue de Brest par Dinan et se portant sur
Pontorson, occupe Dol.
Le LUNDI 18 NOVEMBRE
Après leur échec sur Granville, les
Vendéens se portent sur Pontorson, y enfoncent les 4.000 hommes de l'armée
Tribout et s'emparent de la ville.
A 8 heures du soir - Tribout retraite sur
Dol, où il trouve le représentant Jullien. On décide d'y rallier les
fuyards, de les replier sur Dinan, protégés par de la cavalerie, ainsi que,
d'ailleurs, toutes les voitures de poudre et de grains qu'on peut réunir.
Toute la nuit de la retraite il pleut à torrents.
A Antrain, où, venus de Rennes, les 16.000
hommes de l'armée de l'Ouest sous le commandement du général Chalbos et les
5.000 hommes de l'armée des côtes de Brest sous le commandement du général
Rossignol se sont portés, dans le but de couper la route du retour aux
Vendéens, on apprend la défaite de Tribout.
De suite on prend les dispositions
suivantes : Les brigades de Canuel et d'Amey occupent Fougères.
L'avant-garde de Marceau tient, à Tremblay, les quatre chemins. La division
Mûller garde les deux ponts du Couesnon, route de Dol et d'Avranches.
Le MARDI 19 NOVEMBRE
A 1 heure de V après-midi - Marigny se
porte sur Sacey avec sa cavalerie, suivi de l'infanterie légère de Delaage
qui rejoint, au-delà de ce lieu, la brigade de Westermann, tandis que
l'armée de Brest exécute à Antrain des travaux de défense.
Westermann et Marigny surveillent, par
leurs patrouilles, les abords de Pontorson toujours occupé par le gros de
l'armée Vendéenne ; seule l'avant-garde de celle-ci a poursuivi à Dol,
durant la nuit, le général Tribout et surpris au matin deux gendarmes
qu'elle a sabrés.
Le MERCREDI 20 NOVEMBRE
Dans la journée - l'armée Vendéenne évacue
totalement Pontorson et réoccupe Dol. Aussitôt Westermann propose à Marigny
de se jeter sur ses traces et de la harceler.
Avec une troupe comprenant 200 cavaliers
(le général en avant-garde), une colonne de 200 chasseurs de la Légion du
Nord et 300 fantassins, plus 3 pièces (une de 8 et deux de 4) et un obusier,
100 cavaliers en arrière-garde sous les ordres du chef-d'escadron Lamur, on
se porte sur Pontorson que l'on traverse ; Marigny se dirige ensuite à
grande allure sur Dol.
A 6 heures du soir, il en est à deux
cents toises avec soixante cavaliers (Compagnie de chasseurs des Francs et
quelques hussards du 7e). Aux portes de la ville il dispose ceux-ci en
échelons sur la route et envoie les hussards en reconnaissance. Ceux-ci
pénètrent dans Dol, s'engagent dans le faubourg de la Chaussée et sabrent
tous ceux qui tentent de leur résister.
Aux cris de "aux armes, voilà les bleus"
les Vendéens donnent l'alarme. Marigny fond alors avec le reste de ses
cavaliers. Les chasseurs mettent pied à terre, entrent dans les maisons,
massacrent une vingtaine de Vendéens et, remontant à cheval, tournent
bientôt bride avec 5 ou 6 des leurs, blessés. Après ce raid, on retraite sur
Baguer-Pican où Westermann, à 7 heures du soir, vient d'établir ses
positions en avant du village, sur une hauteur à gauche de laquelle se
trouve un terrain marécageux, à droite sans appui. Une division de
l'avant-garde légère occupe le devant de cette position : Le gros de la
cavalerie Marigny est en arrière du village.
A Minuit, à Dol, après cette alerte,
l'armée vendéenne occupe le dispositif suivant :
Fractionnée en trois colonnes, elle peut
se porter à la sortie de la ville sur les routes d'Antrain, de
Pontorson et de Dinan. Dans la grande-rue, sous les Halles, qui seront
démolies l'année suivante, les réserves d'artillerie et de cavalerie ont
pris place.
Bientôt une reconnaissance annonce
l'arrivée d'une colonne républicaine sur la route de Pontorson. Les Vendéens
sortent de Dol et se divisent sur les 2 routes d'Antrain et de Pontorson, à
l'actuelle Croix de la Feuillade.
C'est qu'en effet, négligeant le plan
que Kléber avait réussi à imposer au généralissime Rossignol et aux
représentants du Comité de Salut Public, qui consistait à se tenir sur les
positions d'Antrain, de Hédé et les lignes du Couesnon et de la Rance, en
acculant les Vendéens à la mer, Westermann se dispose à attaquer.
Déjà, il a envoyé des estafettes au
quartier général de Rossignol, à Antrain, annonçant sa décision et
promettant une victoire certaine s'il est soutenu par une colonne sur la
route d'Antrain.
Le JEUDI 21 NOVEMBRE
A 1 heure du matin ...il déploie son
avant-garde légère en ordre de bataille à 250 toises de Dol sur un terrain
assez découvert. La réserve et la ligne de bataille sont établies, et,
l'avant-garde marche jusqu'à ce qu'elle rencontre l'ennemi.
Les Vendéens de la colonne de la route de
Pontorson avec La Rochejaquelein, Beauvollier, Roëtaing, Bernard de Marigny,
Saint-André, de Hargues, se portent à sa rencontre. L'avant-garde
républicaine essuie une vive fusillade. Elle est soutenue par l'artillerie
et la ligne de bataille qui avance. Le combat dure ainsi une demi-heure.
Alors, la cavalerie vendéenne de Forestier débouche et se jette au galop sur
la gauche pour déborder la droite des républicains, Westermann porte au
devant de sa droite les gendarmes de la 35e et 36a Division et la Légion des
Francs.
Stofflet débouche alors de la route
d'Antrain et cherche à déborder la gauche républicaine. Westermann porte à
sa gauche ses réserves. 11 fixe l'ennemi et même le fait ployer. Mais
les munitions manquent ; le feu républicain se ralentit; les Vendéens
reprennent l'avantage.
La mort dans l'âme, Westermann fait
reculer ses troupes sur Baguer-Pican et réoccupe la même position qu'avant
le combat. Ainsi l'armée républicaine reprend son ordre de bataille du 20
Novembre, à 7 heures du soir.
Mais les tirailleurs vendéens viennent
attaquer les avant-postes et sèment la panique chez les républicains.
Bientôt ceux-ci abandonnent leurs postes et se retirent avec précipitation.
Le 3e bataillon du Maine-et-Loire, sous
les ordres du commandant Duboys, les pièces de quatre du capitaine Cordier,
couvrent courageusement la retraite.
Les républicains fuient sur Pontorson, se
rallient en avant de cette ville et y restent tout le jour en bataille.
La retraite s'est opérée dans l'obscurité.
Avant le lever du jour - la colonne
vendéenne de droite progresse sur la route d'Antrain avec Stofflet, de
Beauvais, La Marsonnière, Talmond, sur le terrain cédé par les
républicains. Les deux ailes s'avancent parallèlement sur les deux bords du
chemin. La cavalerie de Talmond est sur le centre de la route en colonne.
Vers 4 heures du matin, les cavaliers de Talmond veulent poursuivre les
républicains, Talmond s'y oppose. On a fait à peine mille pas qu'ils
recommencent à pousser en avant. Une vingtaine même font une pointe. Alors
d'un petit village, sur la route à droite des Vendéens, les républicains
retranchés derrière les haies, à droite et à gauche et à mi-côte de cet
endroit, du côté opposé, font un feu violent se prolongeant sur toute la
ligne. La pointe de cavalerie se débande, les fantassins vendéens se
retranchent sur le côté gauche de la route. Bientôt les positions
républicaines sont connues par leur feu. Les Vendéens les chargent. Les
républicains plient et reviennent. Tout le reste de la nuit se passera dans
la prise et reprise de ces positions. Les munitions manquant aux Vendéens,
on prend dans les mêmes caissons que les bleus.
Vers 7 heures, la brume tombe sur les
marécages bordant la route; le feu se ralentit; on n'y voit plus.
Libre sur la route de Pontorson, où
Westermann vient d'être défait, la moitié de la colonne de la
Rochejaquelein se jette sur sa droite et, par les champs, rejoint la route
d'Antrain.
Sur sa route, elle croise les cavaliers
de Stofflet venus alors chercher à Dol des munitions. A cette vue la
panique s'empare de la tête de la colonne de La Rochejaquelein. Gênée par la
brume, elle croit avoir affaire à des ennemis. De l'autre côté, chez
Stofflet, même panique. On croit de chaque côté l'autre colonne battue et
l'on craint d'être pris à revers ou coupé.
La plupart des hommes abandonnent les
positions. Seuls, Talmond, Allard, Desessarts, et les chouans (600
hommes) donnent le change à Marceau. Aux cris de «à Dol, à Dol !» l'armée se
débande.
A Dol, au pont de la rue de Dinan,
Denan-Duchesne arrête les hommes et tente de les rallier Perrault y fait
placer des pièces pour protéger la retraite au cas où les républicains
s'empareraient de la ville. Le curé de Sainte-Marie-de-Ré, l'Abbé Doussin,
monte sur un tertre et ranime les courages.
Au pont de la rue de Saint-Malo, de La
Cartrie tente d'arrêter la fuite. Stofflet, entraîné dans la retraite de ses
troupes, rallie un corps considérable engagé sur la route de Saint-Malo.
Cent cinquante d'entre eux, trop rapides dans leur fuite se feront enlever
par les patrouilles du général Cadenne de Saint-Malo. En avant de Dol
Donnissan rallie les fuyards.
Durant ce temps, sur les positions qu'ils
n'ont point abandonnées, Talmond, La Marsonnière et de Beaugé font feu sans
arrêt pour masquer le peu de troupes. Peu à peu, à l'appel des prêtres, des
chefs, des femmes, les tirailleurs reviennent et passent à l'attaque. Les
républicains reculent de cent cinquante pas mais tiennent ferme. Du reste
voici un renfort qui leur arrive : C'est Mûller avec sa division, mais il a
passé la nuit à Bazouges et il est ivre. II jette le désordre dans le
dispositif républicain.
A 11 heures, la brunie tombe. Les réserves
de Kléber et de Rossignol, que Marceau a envoyées chercher, arrivent
d'Antrain.
Les Vendéens voient les mauvaises
positions ennemies. La Rochejaquelein, avec cent hommes, par un mouvement
tournant, déborde la droite républicaine, la rejette sur le centre et
enfonce toute la ligne. Kléber, jugeant prudent devant l'état de ses troupes
de ne pas les exposer plus longtemps, commande un mouvement rétrograde.
Marceau forme un bataillon d'arrière-garde qui couvre la retraite. On
s'arrête à quatre lieues de Dol, en avant de Trans, sur une colline couverte
de front par un ravin, appuyée à gauche à un marais, adossée à des bois. Par
sa droite, Kléber peut ainsi faire liaison avec Westermann, sur Pontorson.
Le reste du jour, on conserve la position
de Trans. On y fait venir les troupes d'Antrain; le général Amey est envoyé
à Westermann, avec 1.800 hommes et 2 pièces de 4, à Pontorson.
A Dol, les Vendéens rentrent en triomphe.
On se porte en foule à l'église pour remercier Dieu, au chant du Vexilla
Régis. Soudain retentit le cri «aux armes». L'ennemi est signalé sur la
route de Rennes. C'est une fausse alerte, causée par la marche de l'adjudant-général
Klinger qui se dirige sur Hédé où il doit prendre position.
Durant la nuit du 21 au 22, l'armée
républicaine bivouaque en avant de la forêt de Ville-Cartier, la brigade
Marceau reste sur la lande, derrière la forêt.
Le VENDREDI 22 NOVEMBRE
Vers 4 heures du matin, de nouveau
Westermann est en route sur Dol. Bientôt son avant-garde occupe Baguer-Pican.
Il place, en avant de ses troupes, une grand'garde de cavalerie et la Légion
des Francs. Il envoie des patrouilles sur Dol où l'on bat la générale.
Vers 8 heures du matin, l'armée vendéenne
déjà engagée sur la route d'Antrain, apprend, à une demi-lieue de Dol, que
l'ennemi va l'attaquer sur les deux routes.
La Rochejaquelein se porte sur la route de
Pontorson avec une partie de l'armée. Stofflet continue sur la route
d'Antrain avec le reste et l'établit sur une position avantageuse.
— Route de Pontorson, à une lieue de Dol, les
Vendéens rencontrent Westermann. Ils s'emparent d'une hauteur et y
établissent une batterie. Les républicains veulent se mettrent à couvert.
L'infanterie vendéenne, au bas de la position et à droite des pièces, tombe
sur eux et les met en fuite, malgré le secours de la brigade Amey. Marigny
et quelques hussards mettent pied à terre, et, avec Westermann, couvrent
héroïquement la retraite. Les Mayençais et la Légion des Francs rompent en
faisant face à l'ennemi. Les républicains retraitent sur Pontorson. La
cavalerie vendéenne les poursuit et pénètrent derrière eux dans cette ville.
Là, la colonne républicaine se fractionne en deux ; une partie fuit sur
Avranches, une partie sur Antrain.
La Rochejaquelein, seul, à la poursuite
d'un peloton de hussards, qui emmène de Hargues prisonnier, s'engage jusque
sur la route d'Antrain, mais sans succès. Bientôt il doit abandonner la
poursuite.
A Pontorson, les Vendéens font placer
quelques pièces sur la route d'Avranches, un corps de républicains étant
signalé sur cette route ; c'est celui du général Sepher qui depuis le début
de la marche sur Granville s'est toujours tenu à l'écart de la bataille, et
en reste encore éloigné.
Les deux tiers de la colonne vendéenne qui
avait poursuivi Westermann rentrent alors de Pontorson à Dol, dans la nuit.
Fleuriot et d'Autichamps la commandent. Ils ne séjourneront à Dol que deux
heures.
— Route d’ Antrain, Kléber, Marceau et les
représentants du peuple : Prieur de la Marne et Bourbotte, partent en
reconnaissance sous la protection de 60 hussards.
Sur le champ de bataille de la veille, les
Vendéens occupent de bonnes positions entre La Boussac et La Vieuville.
Cependant on décide l'attaque.
Chambertin se porte en avant et se déploie
à droite et à gauche derrière les haies. Les tirailleurs vendéens quittent
la route, font de même et ouvrent un feu nourri. La brigade Chambertin fuit
sans tirer, entraînant les corps détachés sur la gauche pour déborder la
droite de l'ennemi (adjudant-général Nattes). La brigade Canuel et les
compagnies de grenadiers viennent les remplacer et cherchent à déborder
l'adversaire.
Durant ce temps, Kléber dispose le reste
de l'armée.
Mais la nuit tombe, le feu se ralentit...
C'est alors que le tiers de la colonne de La Rochejaquelein, qui a poursuivi
Westermann, se présente sur le flanc droit républicain et menace les
derrières de Kléber. Le général fait rétrograder quelques bataillons pour se
couvrir. A cette vue, les autres suivent. Seuls les grenadiers de Canuel
restent en ligne.
Rossignol ordonne alors la retraite.
D'abord elle s'effectue lentement, mais sous la pression de l'artillerie
vendéenne, elle s'accélère. On arrive de nuit au pont d'Antrain. Marceau le
défend avec un groupe de soldats de toutes armes. Mais le pont est pris et
les républicains fuient sur Rennes.
La route du retour est désormais libre
pour les Vendéens.
Le SAMEDI 23 NOVEMBRE
Au lever du jour, les deux tiers de la
colonne de Pontorson, rentrée à Dol après la défaite de Westermann, évacuent
la ville. Un des derniers, de Beauvais la quitte vers 7 heures, en y
laissant les blessés, faute de charrettes.
Le LUNDI25 NOVEMBRE
Les administrateurs du district rentrent à
Dol et y font revenir les archives. Des commissions sont créées pour
enquêter sur les événements des jours passés.
Le 7 DÉCEMBRE
Dol a retrouvé le calme. Les édiles se
réunissent à nouveau et enregistrent leurs délibérations.
Le 9 DÉCEMBRE
On signale que l'on voit encore sur les
routes de Dol à Pontorson, et de Dol à La Boussac, des cadavres qu'il est
urgent de faire enterrer.
Le 16 DÉCEMBRE
On entretient des courriers sur la route
de Fougères pour observer la marche des Vendéens.
Les 24 et 25 DÉCEMBRE
On décide de replanter pour la troisième
fois l'arbre de la liberté, de faire clore les ouvertures des maisons
nationales car on y pille les bibliothèques. Enfin on fait enlever les boues
qui souillent le pavé.
Quelles furent les pertes de cette bataille ?
On ne peut faire état de chiffres précis.
Quoique, généralement, peu soucieux de
critique historique. Chateaubriand en fixe le nombre avec les historiens les
moins aventurés, à 12.000 hommes. D'autres parlent de
20.000. De toute façon, il n'est pas douteux que
ces pertes furent considérables.
En plus des blessés et des morts que
firent les combats, souvent livrés au corps à corps, les maladies
épidémiques et la famine causèrent d'énormes ravages dans une armée
comprenant plus de 30.000 non combattants, femmes, enfants et vieillards.
Depuis la bataille de Pontorson, on achève
partout les blessés et les traînards. Les hôpitaux de Dol (actuel hospice),
de Saint-Malo (Talards, Hôtel-Dieu), de Dinan, ainsi que les prisons
regorgent de paysans vendéens dont la plupart sont passés par les armes par
des bandes de forcenés.
A Dol, selon la tradition, les cadavres furent
jetés dans les douves qui ceinturaient alors complètement la ville. A la
Hardouinais, en La Boussac, on connaît une «fosse aux brigands » qui
recueillit de nombreux corps. Plus loin se trouve un lieu dit « Les fosses
». Il y en eut d'autres du côté de Baguer-Pican et sur les terres de La
Vieuville et il arrive encore que des vestiges de ces sépultures hâtives
soient exhumés.
A Dol, les Vendéens perdirent trois de
leurs chefs :
Keller, commandant de la Compagnie Suisse,
disparu.
Le major-général de Hargnes, fait
prisonnier le 22 Novembre.
Le médecin fougerais Putaud, chef des
recrues régionales, pris à Combourg le 21.
Ces deux derniers furent guillotinés
quelques jours plus tard.
Nous rendant compte avec quelle facilité
sont déformés, quand plusieurs personnes en font relation, des faits dont
nous avons pu être témoin, nous nous sommes surtout attache, au cours de
cette étude, à tout ce qui présentait un caractère général,, laissant
délibérément de côté anecdotes ou récits d'auteurs plus soucieux de faire
part de leurs impressions personnelles que de leurs observations.
Sources :
Archives Municipales de Dol.
Archives du Département d'Ille-et-Vilaine et de
la Manche.
Marquise de LA ROCHEJAQUELEIN : Mémoires (Dentu
- Paris 1860) (Plon-Paris, 1889)
B. POIRIER de BEAUVAIS : Mémoires inédits -
1792-1796 (Pion 1893)
SAVARY: Guerre des Vendéens et des Chouans (Beaudoin,
Paris 1824)
KLEBER: Mémoires.
Documents divers : Mémoire Just. du général
Westermann — Journal d'Obenheim — Lettres et rapports de Tribout,
Rossignol, Sepher, Cadenne, etc.
GABORY : L'Angleterre et la Vendée.
LE MENUET de LA JUGANIERE : Campagne d'outre-Loire
de l'Armée Vendéenne (Micaux, Le Havre 1900).
Baron de LA TOUSCHE : Monsieur Henri (Paul-Emile,
Paris 1948).
P. DELARUE : Hamon, curé intrus de St-Broladre
(Plihon, Rennes 1911)
Tony LE MONTRÉER: Notes et recherches inédites
— Les curiosités du Pays de Dol (1947) — les célébrités du Pays de Dol
(1952)
Désiré LACROIX : Histoire de la guerre des
Vendéens. (Bernardin-Bechet, Paris)
Etienne AUBRÉE : Le général de Lescure (Perrin,
Paris 1938)
Les Prisonniers de Malagra (Perrin, Paris
1938)
Raoul MERCIER : Le Monde Médical dans la guerre
de Vendée. (Arnault, Tours 1938)
Abbé JARRY : Essai d'Histoire Générale sur la
Paroisse et la Ville d'Antrain (Saurais, Fougères 1934)
HERPIN : Saint-Malo sous la Révolution (Riou-Reuzé,
Rennes 1931)
V. BELLANGER: La Révolution à Dol et Rennes (Plihon,
Rennes 1936)
Louis BLANC : Histoire de la Révolution.
CRETINEAU-JOLY : Histoire de la Vendée Militaire
(Goselin Paris 1843)
LENOTRE : Vieilles maisons, Vieux papiers.
Claude DESPRÉE : Kléber et Marceau (J. Dumaine,
Paris 1857)
E. PAUTREL : Notions d'Histoire et d'Archéologie
pour la Région de Fougères (Riou-Reuzé, Rennes 1927)
Abbé LÉCARLATTE: Essai Historique sur les
Monuments de Dol (Hérold, Paris 1864)
De nombreux romanciers ont pris pour
sujet la bataille de Dol. Citons parmi les plus célèbres et les plus près de
nous :
CHATEAUBRIAND : « Mélanges Historiques ».
Victor HUGO : « Quatre-Vingt-Treize ».
Théophile BRIANT : «Les Amazones de la
Chouannerie».
Simone ROGER-VERCEL : « La Cavalière de la
Déroute ».
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Brochure éditée à l’occasion d’une exposition à
l’hôtel de ville de Dol sur les batailles de Dol, sans date, sans nom.
Le rédacteur de cette brochure est Claude-Henri
Galocher, publication en 1953. A cette occasion eu lieu une émission de
radio : Novembre 1793, avec Fernand Bertrand, (Rennes-Bretagne).
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