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Le marais de Dol.
Lors de la procession du 26 juillet 1629
Monseigneur l'évêque Révol fut mortellement frappé d'un coup de soleil.
Cette procession qu'il avait fondée partait de l'église paroissiale de
Cherrueix et se dirigeait -sur-la petite chapelle Sainte-Anne dont la
patronne, selon l'opinion des gens du Marais, les défend des méfaits de la
mer.
Il n'est pas difficile de savoir quelle prière
l'évêque de Dol méditait lors de
cette procession.
Après avoir forcé la limite continentale de
l'archipel Chausey Guernesey, la mer creusa la baie de Cancale, Dol, le
Mont-Saint-Michel, et s'avança jusqu'à la vieille falaise, sous les murs de
Dol, Saint-Broladre et Saint-Georges. Pendant des siècles, elle ne rencontra
aucune opposition dans ce travail d'agrandissement, lorsqu'enfin, l'homme
résolut d'apporter son grain de sable et de lui dire « tu n'iras pas plus
loin ».
Nous savons que la mer aurait occupé le
territoire appelé Marais de Dol, du septième au neuvième siècle.
Lorsque après la grande marée d'équinoxe de 709
la mer eut abandonné le Marais noir de Dol et de Châteauneuf, par suite des
alluvions apportées par les ivières se déversant dans cette partie, et
qu'elle se retira derrière le bourrelet littoral, des hommes courageux
placèrent leurs espoirs en une terre à demi-submergée.
Ces hommes envisagèrent du premier coup les
difficultés qu'ils allaient rencontrer. Un nommé Maraze aurait été le
pionnier qui aurait osé s'attaquer à un travail ussi gigantesque (Maraze =
Marais). Quel nom prédestiné tu avais ?
Est-ce toi qui, engendrant toutes ces volontés,
aurais permis pendant douze siècles de vaincre le péril de la mer ? Maraze
et son équipe furent sans aucun doute les premiers constructeurs de digues.
A cette époque, un bourrelet de sable s'étendait de Saint-Benoît à
Sainte-Anne (c'est ce qui constitue actuellement la route de Cherrueix à
Saint-Malo). Il suffisait à nos pionniers de canaliser les rivières du
Marais noir, d'envoyer les affluents dans la vieille rivière, et de
continuer la toute première digue qui ait jamais été envisagée. Les moyens
mis en œuvre par quelques hommes permirent de récupérer des terres qui
s'avérèrent d'une telle fertilité, que bientôt les princes bretons vers
1024, émerveillés des résultats obtenus, et plus tard, le Duc de Bretagne,
Alain V, ordonnèrent les grands travaux, et armèrent les habitants contre le
fléau qui suivait les premiers travaux et endiguement. Une digue de
trente-six mille mètres de longueur fut construite de Châteaux-Richeux
jusqu'aux grèves de la Fouërelle à Saint-Georges-de-Créhaines, et sur
laquelle vinrent s'asseoir Saint-Benoît-des-Ondes, Vildé la Marine, Hirel et
Cherrueix. Vingt-trois Communes furent ainsi abritées derière cette digue
(soit 15000 hectares).
Mais combien de fois le tocsin a-t-il répondu
aux coups des marées d'équinoxe qui sapaient les digues. Alors tout ce que
le pays pouvait fournir d'hommes, de chevaux, était mobilisé pour faire face
au péril, nul n'avait le droit de se dérober. Plusieurs localités furent
englouties au cours de ces invasions de la mer parmi lesquelles seront
citées : Saint-Louis, Saint-Etienne-de-Paduel, Sainte-Anne...
Dates des principales invasions : 1163, 1169,
1604, 1605, 1606, 1629, 1630, 1708, 1715, 1735, 1785, 1791, 1792, 1793,
1794, 1798, 1802, 1811, 1817, 1869.
La marée la plus dévastatrice, qui stupéfia les
gens de l'époque, fut celle du 6 mars 1817. La mer commençait à se retirer,
lorsqu'un soulèvement extraordinaire, un raz de marée, la fit monter cinq
mètres au-dessus du niveau qu'elle venait d'atteindre. Elle rompit les
digues sur une longueur de six kilomètres, et envahissant les marais, elle
vint battre sous les murs de Dol. Les habitants furent réduits à monter dans
leurs greniers, sur les toits ou dans les arbres.
La dernière invasion remonte au 28 février 1869
vers 5 h du matin. L'on frappait violemment aux portes à Roz-sur-Couesnon,
en criant : « la mer a rompu les digues » lorsque le jour se leva, l'on
s'aperçut avec stupeur que la mer avait rompu les digues sur une longueur de
deux kilomètres. Lorsque la mer se retira, tous les hommes valides se
portèrent au secours des sinistrés, et sauvèrent les récoltes entreposées
dans les greniers, ce qui surprit le plus ma grand-mère toute petite fille,
fut cette poule sur son nid à la dérive du flot, qui continuait à couver ses
œufs.
Pendant les troubles révolutionnaires,
l'entretien des digues fut négligé aussi en 1792, douze mille Journaux de
terre furent envahis par les eaux. Dans les tempêtes des 23 et 24 fructidor
de l'an VII (1799) 1 500 jours de terre subissaient le même sort : si bien
que les habitants du littoral purent se demander si leur travail de tant de
siècles n'allait pas être anéanti. Déjà en 1791, la Municipalité de Dol
avait poussé un cri de détresse, elle demandait à l'Assemblée Nationale un
secours en argent, et un ingénieur permanent, afin de pouvoir faire aux
digues les réparations nécessaires. C'est ainsi que le premier ingénieur fut
envoyé, mais il ne s'avéra-pas à la hauteur de sa tâche, et les malheurs
continuaient de s'abattre sur nos Marais.
A cette époque, un ancien vicaire de Monseigneur
de Hercé, Hamond, curé intrus, de Saint-Broladre, et membre du directoire de
Dol, à la suite d'une réunion qu'il avait organisée à Cherrueix, résolut de
se substituer à la Municipalité de Dol ; avisant les responsables riverains,
il lut un mémoire en forme de pétition à la Convention Nationale, qui fut
approuvé par tous, et à son auteur que l'assemblée chargea d'aller le porter
à Paris. Notre curé ne manqua pas de sensibiliser les députés aux grands
malheurs qui dévastaient la région et de vanter la richesse du sol de son
pays ainsi que le civisme de ses concitoyens. Il fit si bien, qu'il lut son
mémoire à .la Convention et que celle-ci, le 24 février 1793, accorda un
secours de 90 000 livres. Lorsqu'on apprit qu'Hamond arrivait avec les 90
000 livres en poche, la Municipalité de Saint-Broladre alla au devant de
Hamond accompagnée de la garde nationale, en armes, et de nombreux citoyens
portant les étendards; ainsi escorté, Hamond gagna son presbytère au son des
cloches, du tambour et mousqueterie. C'est à la suite de cette réunion de
propriétaires à Cherrueix, qu'il faut, croyons-nous, faire remonter
l'origine du Syndicat du Marais de Dol.
Sous la direction d'ingénieurs intelligents et
grâce au courage des habitants, de grands travaux furent exécutés en
particulier l'endiguement, ce qui permit d'enclore ces magnifiques polders
que nous avons de nos jours.
L'on a du mal à imaginer ce qui a pu être
dépensé d'endurance et d'énergie à chaque avance prise sur les eaux,
qu'elles soient salées ou douces. Il a fallu continuer un labeur de bien des
générations de Maraze pour arriver à faire de la région la plus désolée du
pays de Dol, l'une des terres les plus fertiles du monde.
F. PELE. - Dol de Bretagne, 1973, revue
d'informations municipales.
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