QUATIEME PARTIE 

     Le dimanche 8 janvier 1871, vers dix heures du soir, nous quittons Savigné l’Evêque, pour marcher au devant de l’ennemi qui marchait à trois lieues de là.

    Vers la nuit, nous avons fait environ deux lieues et demies, quand nous arrivons au village de Lombron, vers les trois heures du matin, où l’on nous a cantonnés dans les écuries de quelques habitants de ce petit bourg ; la neige couvrait la terre, déjà de plus d’un demi-pied et continuait toujours cependant à tomber ; ce qui n’empêchait pas cependant les Prussiens de continuer leur mouvement ainsi que leur marche ; car ils s’approchaient tous les jours de la ville du Mans qu’ils avaient envie d’avoir et qu’ils ne tardèrent pas aussi ; mais cependant auparavant il fallut se livrer à plusieurs attaques et des combats terribles, qui leur ont coûté comme à nous aussi, plusieurs victimes.

2nde, 3ème et 4ème campagnes, cliquez sur l'image pour agrandirLe 9, nous n’avons pas quitté le village de Lombron, mais nous tenant cependant toujours prêts à mettre en route au premier coup de signal ; mais le lendemain qui se trouvait le 10, dès les sept heures du matin il a fallu mettre en route.

Dans l’après-midi du 9, vers les deux à trois heures ; un engagement très fort à eu lieu, à Conneré ; nous entendions très bien le canon, même les fusillades très vives, ce qui nous faisait déjà penser à la journée du lendemain qui se préparait pour nous ; enfin l’ennemi, est entré au village dans la soirée.

    Nous partons donc le lendemain dés le matin afin de prendre quelques positions convenables, où après être passés, on ne tarda pas à entendre le canon et la fusillade ronfler tous ensembles ; nous avons eu plusieurs attaques dans cette journée mémorable (car je me souviendrais tant que je vivrais) ; nous y avons répondu vaillamment, mais fort heureux pour nous que nous n’avons eu que quelques blessés encore. -

- Car le soir, environ six heures on ne voyait presque plus.

    Notre général presque en face de la position que nous occupions en ce moment, nous dit troupes "vous êtes très bien placés, mais j’ai presque envie que vous marchiez à la baïonnette, sur deux compagnies de prussiens qui sont cachés derrière la ligne de chemin de fer" : il se met à réfléchir un peu puis il commande à notre compagnie ainsi qu’à la seconde, de mettre nos sacs à terre, puis de courir dessus la baïonnette, mais qu’il ne fallait pas tirer, il a bien fallu partir sur ce commandement, (quoique étant cependant bien fatigués), nous dirigés sur eux ; mais quand il a fallu partir et que nous avons été en chemin, ces prussiens nous ont apperçus et se sont mis à faire des décharges sur nous, on n’entendait plus qu’un sifflement de balles, nous avons eu dans ce fait, plusieurs blessés ; étant à peu près à moitié route, avancés sur eux quand il nous rapplique des fusillades sur le dos, de plus en plus fort enfin ce qui nous a forcés de nous réfugier pendant quelques instants, dans la cour d’une ferme qui se trouvait sur notre passage ; nous n’avons pu marcher plus en avant ; nous étions très mal situés dans cet endroit c’était au fond d’un vallon, fait d’un bois ou taillis et une quantité de buissons qui se trouvaient devant nos yeux, pour empêcher de voir sur la ligne de chemin de fer, ces tirailleurs prussiens.

    Enfin nous nous mettons à tirer cependant quelques coups de fusil, par certains endroits où on croyait les apercevoir, quand un de nos soldats qui se trouvait un peu plus avancé que nous, vient nous dire, cessez votre feu, car vous tirez sur des tirailleurs français qui sont plus en avant ; alors nous cessons le feu, mais ces quelques coups de fusils ont permis de donner connaissance à l’ennemi, où nous étions en ce moment.

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    Mais voilà aussi, que environ un quart d’heure après, au moment où nous y pensions le moins ; nous entendons, tout autour de la ferme, crier Hourra ! Hourra ! Ces cris des cents fois répétés et par une quantité innombrable de prussiens qui nous entourent, et en même temps que des coups de fusils qu’ils nous envoyaient dans le dos fallait voir ; nous voulons essayer de leur répondre mais chose inutile, car nous n’étions plus à ce moment qu’une cinquantaine.

    Un instant après nous voyons un officier prussien entrer dans la cour de la ferme, et nous crie, Français ! Rendez-vous, ce que nous avons été obligés de faire, bien malgré nous ; plusieurs de nous se sont encore sauvés, et aussi quelques-uns uns se sont trouvés blessés et même tués.

    Nous avons resté dix sept de notre compagnie, parmi lesquels se trouvaient entre autres notre capitaine, notre nouveau sous-lieutenant, puis trois sous officiers, parmi lesquels je me trouvais du nombre, puis quatre caporaux, enfin notre compagnie a restée bien triste, elle n’avait plus pour commandant qu’un sous officier qui se trouvait en permission, il est resté parmi nous un de nos hommes qui a eu le bras droit traversé d’une balle qui a en même temps traversé le manteau de notre sous lieutenant par deux endroits et lui a touché un peu la peau du bras gauche, en même temps, il faut avouer qui a en a joué une belle ; voilà le seul blessé qui soit resté avec nous prisonnier.

    De la seconde compagnie ; ils ont été quatorze qui ont été faits prisonniers avec nous dont il s’est trouvé le sous lieutenant, qui était resté seul pour commander sa compagnie et, un de ses sous officiers aussi ; puis un lieutenant du 33ème je crois bien qui s’est trouvé avec nous aussi avec quelques-uns uns de ses hommes.-

- C’est donc le 10 janvier 1871, que ceci est arrivé, où nous avons été faits prisonniers, auprès de la gare de Connéré, qui se trouve à environ six lieues du Mans, sur la route de Paris.

    Nous nous sommes placés sur deux rangs, après être désarmés, puis on nous conduit à Connéré, où en arrivant on nous fait rentrer dans l’église, où nous avons passé la nuit ; ils nous ont donné pour tout potage à manger, un méchant morceau de pain, que nous avons mangé à belles dents, car depuis sept heures du matin nous n’avions pas mangé, puis pour toute boisson, nous pouvons manger de la neige, c’est tout.

    Nous autres, sous officiers, on nous a amenés avec les officiers dans le chœur, où nous avons pu hériter d’un peu de vin que les officiers se sont eux acheté.

    La nuit j’ai couché sur les marches du maitre autel pour me défatiguer, mais le lendemain matin, je vous assure que le dos me faisait encore plus de mal que la veille.

    Le lendemain matin, alors vers les neuf heures du matin, après nous avoir fait une distribution de pain comme le soir, on nous fait mettre en route après cela et l’on nous conduit à la Ferté-Bernard où nous avons couché dans le même lieu, là on nous a apporté de la soupe et tout ce qu’il nous fallait, nous avons été très bien, particulièrement nous autres sous officiers car nous étions toujours à part, et avec les officiers, le lendemain on nous fait séjourner et nous avons été toujours très bien, ainsi que par toutes les villes ou nous avons passé auparavant que de prendre le chemin de fer.

    Après donc arrivés à Lagny Saône et Marne on nous a fait monter en wagons, mais dans des wagons où l’on transporte des bagages et les animaux habituellement, au nombre de quarante par chaque ; et après nous avoir distribué à chacun un morceau de pain, noir et d’un exécrable mauvais goût ; (mais il a bien fallu nous habituer à en manger, car durant le temps de notre captivité, nous n’avons jamais mangé que du même). ....

    On nous a enfermés dedans, où nous étouffions par la chaleur, car nous étions entassés les uns sur les autres, on ne nous ouvrait les portes, qu’étant arrivés aux grandes stations, pour faire nos aises car ils le voulaient bien

    Nous avions passé huit jours dans cet état affreux cependant, où plusieurs en ont tombé malades quand nous avons été arrivés à Munich lieu de notre captivité.

    Enfin quand nous sommes arrivés on nous met dans une affreuse caserne, où l’on ne pouvait voir que ceux qui venaient nous rendre quelque visite.

    Nous avons passé environ trois mois dans cet humble réduit ; on nous donnait de quoi faire un repas, tous les jours à onze heures, qui consistait, en une petite portion de pain noir et de l’orge bouillie, pour celui qui n’avait pas d’argent était obligé de se contenter avec cela, ce qui paraissait triste je vous assure.

    Celui qui avait de l’argent, n’avait à souffrir que les douleurs de la captivité, car il pouvait se procurer à peu près tout ce qu’il voulait.

    Car on nous a établi trois cantines dans notre caserne où l’on y vendait du pain, du beurre, du fromage du café, mais sans eau de vie, puis de la bonne bière qui n’était pas très chère.

    Enfin celui qui avait quelque chose pouvait se croire heureux contre celui qui n’avait rien, car celui là périssait de besoin la moitié du temps.

    De là, nous avons appris au bout de deux mois que nous étions déjà captifs, que la paix était signée, il n’était pas trop tôt que ce jour tant désiré arrive pour nous mettre un petit peu la joie au cœur, alors nous avons dit espérons que dans quelques jours nous serons mis en liberté, ce qui était sur le point d’arriver aussi. Mais on vient nous annoncer quinze jours après qu’il existait en France un trouble à ne plus y comprendre et que la révolution régnait à Paris et à Lyon, qu’il n’y avait pas moyen de mettre en route pour retourner en Franc ; voilà encore, ce qui nous afflige de nouveau.

    Pendant les quinze jours que la paix fut signée, on commençait déjà à ne pas nous tenir aussi captifs, car on nous faisait sortir, nous promener en ville et dans les faubourgs, à peu près tous les jours, surtout, nous, sous officiers, nous le pouvions tous les jours, mais malheureusement depuis ce trouble qui est arrivé en France, nous n’avons plus sorti.

    Cependant on y prenait beaucoup de plaisir, car, dans cette ville on pouvait y remarquer quelques choses d’admirable.

    J’ai vu entre autres, le palais du roi Léopold, et le palais du nouveau gouvernement qui sont des chefs d’œuvres de la nature, puis des églises magnifiques à l’extérieur, mais je ne puis rien vous dire de l’intérieur, car on ne nous à point laissés entrer dedans ; mais j’ai toujours remarqué ainsi que les tours, le tout était magnifique et ensuite de cela il en existe un grand nombre

    J’ai vu aussi de nombreuses statues parmi lesquelles j’y ai remarqué la grande fameuse déesse de Bavière ; puis, l’empereur Maximilien Joseph, monté sur son cheval sur une colonne d’une extrême hauteur ; après cela le palais de l’industrie, le musée national  qui sont splendides à voir ; enfin bien des choses qu’il me serait trop long d’énumérer ici.

    Dans les faubourgs, j’ai remarqué aussi les grandes manufactures qui fabriquent de la bière, car c’est dans ce pays, quoique étant très mauvais, surtout par la température, que l’on fabrique la bonne et excellente bière.

    On y remarque aussi, des montagnes affreuses du Tyrol qui séparent l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, elles se trouvent à vingt lieues environ de Munich, au sud-est ;

    Au moment où l’on commence à les apercevoir, il vous semble voir de gros nuages blancs, comme il vous apparaîtrai une orage, car la neige les couvrent les trois quarts de l’année ce qui les fait paraître blanches jaunâtres, imitant les nuages d’un fort orage.

    C’est quelque chose de merveilleux à considérer et que j’y ai pris bien plaisir ainsi que mes camarades et aussi me promener voir tout ce qui existe dans cette ville de Bavière, ce qu’on y remarque encore c’est une rivière, qu’on appelle l’Issar qui la traverse à l’hyver elle est très forte, mais à l’été elle vient à perdre beaucoup de son reflux.

    Elle a des ponts qui la traverse et qui sont très bien construits, mais, ce que j’ai vu dessus l’eau, ce sont des espèces de canots qui sont construits je ne sais comment ; ce sont des pieds de sapins légers, collés les uns auprès des autres en nombre suffisant pour que l’on puisse les diriger sur l’eau couchés avec facilité et c’est avec cela que je les ai vus transporter de gros et de nombreux pieds d’arbres : c’est une drôle de magie devant moi, mais ce qui est surprenant est très favorite aux bavarois. -

- Il nous faut donc encore passer quelques semaines de plus dans nos humbles cabanes, où nous sommes couchés presque sur la terre, sur de pauvres paillasses où les poux la vermine nous rongent ; ayant une modeste couverture en laine pour nous couvrir la nuit, ce qui n’est pas très échauffant, car quand on voit aussi le mois d’avril s’écouler, et voir tous les jours geler et la neige tomber, la nuit je vous réponds que l’on prendrait bien un bon lit pour se reposer, et être aussi se voir coucher dans un pareil état ; c’est quelque chose d’affreux quand on y réfléchit.

    Enfin nous voilà arrivés au quatre du mois d’avril lorsque l’on vient de nous dire que dans la semaine où nous sommes, on va commencer à nous renvoyer ; encore une fois nous nous en réjouissons ; puis on nous dit que l’on va commencer par les mobiles et les marins à renvoyer, je me trouve heureux alors de me trouver du nombre, mais je ne puis vous dire si cela, existera comme on vient de nous le dire.

- Qui vivra verra.- !

cliquez sur l'image pour agrandirVoilà donc la fin de mes campagnes de 1870, 1871 et de ma captivité en Bavière.
Fin de mon histoire commencée le 26 mars et finie le 4 avril 1871.

A Munich le 4 avril 1871.

Pelé Alexandre Sergent.

 

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